« 17+1 » : l’échec de la Chine en Europe ?

Le « 17+1 », le mécanisme réunissant la Chine et 17 pays d’Europe centrale et de l’Est, devait être la porte d’entrée de la Chine vers le marché européen. Avec le départ de la Lituanie, et l’insatisfaction de la plupart des pays membres, le projet semble désormais être mal en point.

Le ministre des Affaires étrangères letton assiste, par visioconférence, au sommet du « 17+1 » de 2021. | Photo : Ministère des Affaires étrangères letton (CC BY-NC-ND)

Coup dur pour la Chine, ou départ sans effet ? Le 21 mai, la Lituanie a annoncé son départ du « 17+1 », tout en incitant les autres membres de l’Union Européenne à faire de même : « Il est plus que temps que les membres de l’UE abandonnent ce format qui nous divise », a déclaré le ministre des Affaires étrangères lituanien, Gablielius Landsbergis. Pour ce dernier, les relations avec la Chine sont désormais à envisager en « 27+1 », avec les 27 membres de l’UE.

Le groupe, actif depuis 2012, réunit des pays d’Europe centrale et de l’Est et la Chine. Il a pour but d’encourager et de structurer les investissements chinois dans la région. La zone est en effet vue par Pékin comme sa porte d’entrée vers l’Europe de l’Ouest, notamment dans le cadre du projet des « Nouvelles routes de la soie », qui cherche à développer les liaisons commerciales entre la Chine et le reste du monde. Le départ lituanien met toutefois en lumière des dysfonctionnements qui ont mis à mal les objectifs chinois.

Une autoroute qui ne mène nulle part

Pour les pays membres, le principal problème est lié aux investissements chinois, au cœur du mécanisme. Ces derniers sont principalement destinés à la construction d’infrastructures, en particulier de transport (autoroutes, lignes ferroviaires…). Les investissements sont alloués sous la forme de prêts à taux avantageux ou d’aides d’état. Cela ne suffit pourtant pas à les rendre intéressants pour les pays membres. Certains projets, très coûteux, bénéficient d’une utilité limitée, et finissent par endetter fortement leurs bénéficiaires. Une majorité d’entreprises chinoises préfère par ailleurs investir directement en Europe de l’Ouest, considérée comme un meilleur choix.

Les pays membres du « 17+1 ». Note : le Kosovo n’est pas reconnu par la Chine.

La situation du Monténégro en témoigne : le pays à l’économie modeste s’est vu offrir un prêt d’un milliard de dollars — près d’un cinquième de son PIB — pour construire une autoroute flambant neuve. Après six années de travaux, le constat est catastrophique pour le pays. Seuls 41 kilomètres d’une autoroute qui ne mène nulle part ont été construits, alors que l’argent emprunté à la Chine a été utilisé en très grande partie. Incapable de rembourser le prêt, le pays craint désormais de devoir dédommager Pékin en terres et en infrastructures.

Le sommet boudé par certains pays

Les choses se gâtent donc pour l’avenir du groupe, qui semble perdre son élan. Au dernier sommet, organisé par visioconférence en février 2021, six pays membres du « 17+1 » ont décidé de ne pas faire participer leurs présidents. Xi Jinping, le président chinois, s’est donc retrouvé face à six ministres et onze chefs d’État, une première depuis la création du format. Plus inquiétant encore, la date du prochain sommet n’a toujours pas été fixée, alors que ces derniers se tiennent en principe chaque année.

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Malgré ce revers et le départ lituanien, Pékin ne compte cependant pas laisser tomber le mécanisme. Xi Jinping a récemment appelé son homologue monténégrin, dans le but de l’assurer du bien-fondé des intentions chinoises. Le ministère des Affaires étrangères, lui, affirme que le groupe ne sera pas affecté par des « incidents isolés », en faisant référence à la Lituanie.

Auteur de l’article : Léo Berry

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