Au cœur d’une campagne de déforestation et d’une crise sanitaire sans précédent, les peuples indigènes au Brésil sont plus que jamais vulnérables.
Un peuple en détresse
Plongés au cœur de la forêt amazonienne, les peuples autochtones sont oubliés, obligés de s’installer en ville pour faire entendre leur voix. Ce n’est pourtant pas un phénomène récent, le chef Roani alarme depuis plus de 30 ans sur les conditions précaires de ces ethnies. Depuis plusieurs décennies, les indigènes font face à une déforestation qui s’accélère au gré des différents chefs d’Etat. Le dernier encore en activité, Jair Bolsonaro, a bien plus que développé l’agriculture autour et dans l’Amazonie, si bien que le ministère de l’Agriculture est désormais en charge de la démarcation des terres indigènes. Toutefois, c’est la Cour Suprême qui a le pouvoir décisionnel sur le statut juridique des autochtones, elle devrait se prononcer prochainement [1].
Actuellement, deux thèses sont à l’appui : celle d’une exploitation et occupation des territoires autochtones sans délimitation, appelée théorie de l’indigénat, et celle du « cadre temporel », où les peuples indigènes doivent respecter les territoires initialement déterminés lors de la Constitution de 1988.
Outre la question juridique, les habitants de l’Amazonie sont victimes d’une violence grandissante à l’égard de la nature et de leurs tribus. Un rapport de 2019 montre une hausse significative des incendies criminels, meurtres, de quoi accroître l’insécurité des peuples autochtones. Si la violence et la destruction des habitats suffisent à terrifier les populations, le fléau sanitaire brésilien vient amplifier ces craintes.
Perte de confiance totale devant les politiques
« Le Brésil est en faillite, je ne peux rien faire »
Depuis le début de la crise sanitaire, les tensions politiques entre le gouvernement et les gouverneurs des États ont creusé irrémédiablement la méfiance des Brésiliens face à la scène politique. Les peuples indigènes sont d’ailleurs les premières victimes des annonces et recommandations de Brasilia. Lors de l’élaboration de la campagne de vaccination, les Indigènes n’ont pas été désignés parmi les personnes prioritaires malgré les demandes de l’Articulation des Peuples Indigènes au Brésil (Apib). Selon eux, près de 40% des 900 000 personnes présentes au Brésil ne peuvent pas accéder au vaccin en priorité malgré leur grande précarité.

Bolsonaro et ses partisans deviennent même les auteurs de fausses informations sur les vaccins qui trouvent des échos jusque dans les villages autochtones reculés. Les gens se transformeraient en crocodiles, les femmes auraient de la barbe, tant de fausses rumeurs qui enveniment l’inquiétude de ces peuples. Les discussions entre les Autochtones et le gouvernement sont au point mort : le chef Roani, représentant les tribus amazoniennes, a porté plainte la semaine dernière contre le président brésilien, pour « crime contre l’humanité ». Ce dernier n’a pas encore répondu aux accusations, pourtant il n’a jamais nié son mépris face au chef Roani : durant son début de mandat, il n’a pas voulu le rencontrer, une première depuis plus de 20 ans.
À quand des sanctions face à l’exploitation des Indigènes ?
Dans la plainte adressée à la Cour Pénale Internationale, on peut lire : « Jair Bolsonaro a pour projet politique de diminuer la surface des territoires autochtones afin d’étendre la superficie disponible pour l’exploitation agro-industrielle». Avec l’aide son avocat William Bourdon, le chef Raoni a saisi la justice internationale non pas que sur la question de l’exploitation des ressources naturelles de l’Amazonie, mais également sur les meurtres, les mises en esclavage, les départs forcés des habitants locaux etc. Malgré ce document d’une cinquantaine de pages sur les atrocités commises par le chef d’Etat, la plainte prendra du temps à être traitée, elle pourrait même être classée sans suite par la Cour.
L’objectif désormais est de se tourner vers 2022, pour les élections présidentielles brésiliennes. Pour cela, le chef Roani ainsi que d’autres chefs tribaux sollicitent la communauté mondiale pour dénoncer les abus de Bolsonaro. Ils ouvrent leurs villages à de nombreux reporters internationaux pour montrer les conditions précaires des populations autochtones. Malgré l’impérialisme que l’agro-industrie au Brésil, les Indigènes tentent également de sensibiliser la population brésilienne sur les dangers d’une réélection pas encore annoncée.
[1] Le Monde, journal du 25 Janvier, Le président brésilien « a toujours incité la violence contre nous », Anne Vigna.