En plein débat sur l’accessibilité du vote pour les minorités, Joe Biden pourrait bien se retrouver bloqué à cause du Sénat, pourtant contrôlé par les démocrates. Les républicains menacent d’utiliser une arme fatale parlementaire, le filibuster, qui leur permet d’empêcher l’adoption de lois.

Un « hiver nucléaire » : voici ce que promet Mitch McConnell, leader de la minorité républicaine au Sénat, à Joe Biden, s’il essayait de changer les règles du jeu parlementaire. Aux États-Unis, « l’option nucléaire » désigne le filibuster, une obstruction parlementaire. Elle permet, lorsque 40 des 100 sénateurs le demandent, de prolonger indéfiniment le débat sur la plupart des lois. Dans les faits, le filibuster peut donc être utilisé pour empêcher l’adoption de ces dernières, le débat ne pouvant se terminer sans l’accord d’une « super-majorité » de 60 sénateurs.
Les démocrates disposent actuellement de la majorité la plus courte possible au sénat : 50 sénateurs. Si les républicains en possèdent autant, le vote décisif en cas d’égalité revient à la Vice-présidente Kamala Harris. Le camp démocrate contrôle donc le Sénat, mais dispose d’une marge de manœuvre extrêmement réduite. Les deux partis se retrouvent donc exposés à un filibuster, ce qui les pousse, le plus souvent, à trouver un terrain d’entente bipartisan.

Profond désaccord sur le vote des citoyens
Si le filibuster revient sur le devant de la scène politique américaine, c’est parce qu’il risque d’être utilisé, pour la première fois depuis la prise de fonctions de Joe Biden, en janvier. Sur des sujets comme l’immigration ou le port d’armes, des compromis avaient jusque-là permis d’éviter des blocages complets. Pourtant, républicains et démocrates ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un sujet devenu central : les modalités du vote aux élections.
Dans plusieurs états, les modalités de vote ont été modifiées, suite à l’élection présidentielle de 2020, toujours contestée par une partie des républicains. Elles sont désormais plus contraignantes, souvent plus lourdes administrativement. Le vote par correspondance est également visé, et réduit au strict nécessaire par plusieurs états. Des contraintes qui affectent principalement le vote des minorités ou des étudiants, traditionnellement favorable aux démocrates.
Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire !
La loi soutenue par les démocrates propose, entre autres, d’imposer un standard minimum à tous les états. Ainsi, tous seraient contraints d’offrir un accès facilité au vote par correspondance, et de mettre fin à de nombreuses restrictions et lourdeurs administratives. Sur ce point, les républicains ne transigent pas : ils utiliseront le filibuster pour bloquer la loi, si elle restait en l’état.
Le jeu parlementaire peut-il changer ?
Pour que cette loi puisse être votée, une partie des démocrates soutient une solution en apparence simple : en finir avec le filibuster. Cependant, tout indique que cela n’est pas envisageable. Tout d’abord car plusieurs sénateurs démocrates sont indécis ou opposés à un changement de cette règle parlementaire. Sans l’aval de l’intégralité des sénateurs démocrates, la modification envisagée n’obtiendrait pas suffisamment de votes pour être acceptée.
Autre obstacle : les sénateurs républicains. Pour empêcher les démocrates de modifier les modalités du filibuster, il suffit de l’utiliser. Une modification trop radicale de cette règle parlementaire n’aurait donc aucune chance, pour le moment, de convaincre des sénateurs des deux bords.
Quoi qu’il en soit, le débat reste vif autour du filibuster. Il est défendu par certains, qui apprécient les compromis bipartisans auxquels ce dernier peut mener. Dénoncé par d’autres, qui le voient comme une arme trop puissante dans un contexte de bipolarisation politique de plus en plus importante, entre deux partis qui se parlent de moins en moins.