Barrage sur le Nil : l’Égypte au pied du mur ?

Le Nil bleu, affluent majeur du Nil | Giustino

L’Égypte, puissance militaire et démographique en Afrique du Nord, doit faire face à un nouveau défi, qui pourrait venir chambouler sa position dans la région. Les eaux du Nil, qu’elle avait jusqu’alors réussi à contrôler, pourraient lui échapper. L’Éthiopie, en amont du plus long fleuve au monde, cherche en effet à construire un barrage gigantesque, et revendique son droit au développement. Les parties espèrent trouver un accord prochainement, malgré des blocages récents.

Le projet n’est pas nouveau, mais aucun accord n’est encore au rendez-vous. Le grand projet de barrage éthiopien « Barrage de la renaissance » sur le Nil Bleu, qui forme le Nil avec d’autres cours d’eaux, continue de diviser des pays aux intérêts divergents. D’un côté, l’Égypte, dépendante du Nil pour son approvisionnement en eau, craint de perdre le contrôle du fleuve. De l’autre, l’Éthiopie cherche à accélérer son électrification et son développement. Les négociations, qui traînent depuis bientôt 10 ans, ne sont pourtant pas au point mort. Bien que certains points fassent toujours débat, un accord pourrait être trouvé dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

Le barrage, dont la construction a débuté en 2011, sera le plus grand d’Afrique. Ses caractéristiques ont de quoi impressionner et inquiéter les pays riverains. Ce dernier, qui a coûté 4,8 milliards de dollars a l’Éthiopie — 15 % de son PIB — pourra doubler la production éthiopienne d’électricité, un enjeu majeur pour les 55 % d’Éthiopiens n’ayant pas accès à l’électricité. Il retiendra en outre 49 milliards de Km 3 d’eau, 90 % du débit annuel du Nil Bleu.

Donald Trump rencontre les Ministres des Affaires Étrangères soudanais, égyptien et éthiopien en novembre 2019.

Ce point en particulier crispe Égyptiens et Soudanais, également en aval. L’Égypte, qui dépend presque exclusivement du Nil pour son approvisionnement en eau, craint d’en perdre le contrôle. Le désaccord le plus épineux, qui concerne le remplissage du barrage, a récemment été réglé : le barrage sera rempli sur une période de 5 ans. Les parties espèrent ainsi concilier production rapide d’électricité pour l’Éthiopie et sécurité hydraulique pour l’Égypte et le Soudan. Reste qu’en cas de sécheresse, aucun accord n’a encore vu le jour, ce qui continue de crisper les débats, alors que Mike Pompeo, en visite à Khartoum, plaide pour une reprise rapide des négociations. Mardi, les États-Unis ont annoncé qu’ils retiraient 130 millions de dollars de leur programme d’aide à l’Éthiopie, citant « l’absence de progrès » dans les négociations récentes et le remplissage du réservoir entamé unilatéralement par les autorités.

Le Nil, chasse gardée de l’Égypte

Historiquement, l’Égypte a pourtant su garder la mainmise sur les eaux du Nil, bien qu’elle soit en aval. L’accord passé en 1959 avec le Soudan — que les deux signataires considèrent toujours comme une référence — accorde 18,5 Km ³ d’eau par an au Soudan, contre 55.5 Km ³ pour l’Égypte. L’Éthiopie, lésée, ne reconnaît pas cet accord, qui ne lui permet pas de construire d’installations hydrauliques sur le Nil.

L’Égypte est considérée par de nombreux acteurs et pays occidentaux comme indispensable à la stabilité de la région. Outre les enjeux purement économiques et sociaux, Le Caire craint de voir sa position régionale affaiblie. En laissant en partie le contrôle des eaux du Nil à d’autres, l’Égypte risque en effet de perdre son rôle d’interlocuteur incontournable. Malgré tout, l’Égypte garde de nombreux atouts qui lui permettent de peser dans la région, notamment sur les plans militaires et démographiques.

Auteur de l’article : Léo Berry

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