En Bosnie-Herzégovine, les séparatistes serbes en quête d’indépendance

Vingt-sept ans après la fin de la guerre, la Bosnie-Herzégovine risque de se déchirer à nouveau. Milorad Dodik, leader des nombreux Serbes qui résident dans le pays, joint les actes aux menaces envers l’État bosnien dont il souhaite que sa région s’affranchisse.

Des individus défilent à Banja Luka lors de la commémoration d’une « Fête nationale » jugée inconstitutionnelle par la justice bosniaque, le 9 janvier 2022. | Photo : Gojko Vesellnovic (RFE/FL)

Nous sommes le 9 janvier 2021. Milorad Dodik, président de la Republika Srpska, une des trois entités régionales qui compose la Bosnie-Herzégovine, organise savamment une énième provocation. Dans les rues de Banja Luka, centre administratif de la Republika Srpska, des centaines de Serbes, très majoritaires dans la région, défilent. Ils célèbrent une « Fête nationale », que la cour suprême du pays avait déclarée inconstitutionnelle. Un jugement balayé du revers de la main par Milorad Dodik, qui ne s’est pas privé de s’adresser à la foule présente ce jour.

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L’utilisation d’un discours ethno-nationaliste n’est pas chose nouvelle pour le dirigeant. À l’évidence, les élections présidentielles et législatives qui se tiendront en octobre 2022 contribuent à accroître les tensions avec l’État bosnien. Les parlementaires de la Republika Srpska ont voté en faveur d’un amendement à teneur sécessionniste, le 10 décembre 2021. Celui-ci vise à entamer une procédure qui retirerait une grande partie de l’autorité de Sarajevo sur la Republika Srpska, qui prendrait en main son armée, ses services de sécurité, son système judiciaire et fiscal. L’objectif est à peine masqué : À terme, Milorad Dodik souhaite que sa région fasse sécession de la Bosnie-Herzégovine, voire qu’elle puisse être rattachée à la Serbie. Ce dernier scénario est toutefois peu probable, car il mettrait à mal la candidature serbe à l’Union européenne.

Négation de génocides

L’idée d’avoir plusieurs armées distinctes au sein de la Bosnie-Herzégovine n’est en principe pas rejetée par les accords de Dayton, signés en 1995 afin de mettre un terme à la guerre de Bosnie (1992 − 1995). Mais il s’agirait d’un retour en arrière depuis leur signature, après laquelle une armée commune s’était progressivement formée. Les parlementaires de la Republika Srpska ont également appelé à rédiger une nouvelle constitution. Ils s’en prennent frontalement à l’actuelle, qui résulte des accords de Dayton. Cette situation fragilise un peu plus un État bosnien déjà faible, décentralisé, dont l’administration et le gouvernement sont considérés comme inefficaces.

Les tensions sont également de plus en plus vives avec Christian Schmidt, le Haut représentant international, qui n'est pas élu mais dispose d'un pouvoir politique fort que lui confèrent les accords de Dayton. Il avait pris durant l'été 2021 la décision d'interdire la négation de génocides ou de crimes de guerres commis durant la guerre de Bosnie. Un camouflet pour Milorad Dodik, qui continue de nier l'existence de génocides comme celui de Srebrenica, lors duquel 8 000 personnes avaient été tuées par des forces serbes en 1995.

Dislocation pacifique

Comment envisager une sortie de crise dans cette situation politique explosive ? Les propositions vont bon train mais aucune solution ne se démarque. Des analystes plaident pour une réforme du système de gouvernance mis en place par les accords de Dayton, qui ont établi une présidence tournante. Le président de la Bosnie-Herzégovine change tous les huit mois, alternant entre un Croate, un Serbe (en l'occurrence, Milorad Dodik), et un Bosniaque. En résulte une gestion du pays difficile, et des réformes impossibles, systématiquement bloquées par l'un ou l'autre des partis. Il semble donc très difficile de basculer vers une nouvelle constitution qui pourrait régler les problèmes de gouvernance.

Milorad Dodik, le président de la Republika Srpska, donne un discours à Belgrade, en 2012. | Photo : Boris Tadic (CC BY)

Face au constat de la très grande difficulté de réformer le pays, des observateurs proposent des solutions plus radicales. Celles-ci vont d'une dissolution pure et simple de la Republika Srpska, à la dislocation pacifique de la Bosnie-Herzégovine. Dans les deux cas, ce sont les accords de Dayton et le cadre politique qu'ils établissent qui sont visés. Aucune de ces deux hypothèses n'est privilégiée par les États-Unis ou l'Union Européenne, qui tentent d'augmenter la pression sur Milorad Dodik. Les 27 menacent de prendre des sanctions envers le dirigeant, alors que les États-Unis ont déjà franchi le pas, le 5 janvier.

Auteur de l’article : Léo Berry

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