Le mercredi 26 février, le parlement vient de voter une loi sur la transition de la justice, la réparation et la réconciliation nationale. Cependant, à la suite de ce vote, le président salvadorien Nayib Bukele a déposé son véto en déclaration lors d’une allocution une loi « d’amnésie ». En effet, le président a évoqué l’amnésie de cette loi vis-à-vis des familles des victimes. Les réactions sur ce véto se sont faites entendre, notamment par les deux camps historiques du parlement, le parti conservateur et le parti libéral. Selon un député conservateur : « Nous avons demandé une réclamation avant le vote de la loi, car cette loi ne respecte pas les exigences constitutionnelles émises par la Chambre, c’est une amnésie déguisée, ils vont réduire les sanctions et je vois cela comme une offense vis-à-vis des victimes et de leurs familles. ».
Toutefois, selon un député de l’opposition : « le problème est que le président avance des critiques sans avoir lu la loi. Nous nous doutions qu’il allait mettre son veto car c’est dans son style d’utiliser les victimes à son avantage. Il n’a pas commémoré les accords de paix, avec en son sein la question des victimes ». Dans cette loi été également avancé l’ouverture d’un fond de 10 millions de dollars destiné à la justice, la santé et l’éducation. Afin de déposer un véto, il faut que la loi soit votée par 56 personnes sur 84, or 44 personnes ont voté en faveur. Cette tension est due en grande partie à la guerre civile salvadorienne, qui a affecté la politique et les mentalités.

Une guerre qui a détruit l’unité du pays
De 1979 à 1992, une guerre civile éclata au Salvador, opposant la guérilla communiste FMLN (Front Marxiste pour la libération nationale) au gouvernement salvadorien. Cette guerre civile entre directement dans le contexte de Guerre Froide, et c’est presque une miniature du contexte. Effectivement, les rebelles étaient épaulés par le Nicaragua, Cuba et l’Union Soviétique, et a contrario le gouvernement était aidé par les Etats-Unis en grande majorité. Dès 1979, un groupe d’officiers militaires renverse le gouvernement du général Romero afin de créer une junte. Malgré la succession de différents présidents, le dialogue entre les deux camps n’a jamais eu lieu, et le nombre de victimes augmentaient continuellement. Durant ces treize années de conflits, le nombre de victimes s’élevaient à plus de 75 000 personnes selon l’ONU. Via un rapport de la commission de vérité de l’ONU, le nombre de morts est très inégalement réparti, avec 5% pour les guérilleros, contre 85% pour le gouvernement. Cette violence s’explique principalement par l’aide militaire des Etats-Unis (à savoir un à deux millions de dollars dans la vente d’armes par jour).
Beaucoup de personnes s’étant opposés au conflit se sont fait assassiner, comme l’archevêque Romero, les jésuites et des missionnaires chrétiens. Les accords de paix de Chapultepec signés en 1992 au Mexique, sont l’aboutissement du travail des Nations Unis depuis 1989 afin de sortir de la guerre civile. Parmi ces accords, de nombreux changements de la Constitution salvadorienne ont été modifiés, notamment sur la création d’une police nationale, la modification des forces armés ou bien la défense des droits de l’Homme.
Le parti au pouvoir, l’ARENA (alliance républicaine nationale) restera néanmoins en tête des présidentielles jusqu’en 2009. Au lendemain de la guerre, certains dossiers de violences ont été supprimés, et d’autres ont été archivés afin de punir les responsables de ces massacres. Ces punitions sont aujourd’hui encore un débat qui créé des tensions dans le monde politique.
Un gouvernement renforcé par l’armée

La guerre civile a accentué la fracture entre les différents partis politiques, avec le FMLN qui s’incline pour la première fois aux élections présidentielles depuis 2009. Cette arrivée du président conservateur fait resurgir de nouvelles tensions, dont les médias sont les premiers touchés. En effet, selon Reporters sans Frontières, le Salvador a perdu 15 places dans le classement de la liberté de la presse en 1 an.
A contrario, les premiers objectifs du président étaient de réduire la criminalité, et ce fut une réussite. Cependant, le président a besoin de moyens afin de lutter contre ces violences quotidiennes, et il n’hésite pas à utiliser de la force diplomatique et militaire. En compagnie du président, l’armée envahit le parlement et le président en s’asseyant sur le siège du président de l’assemblée, il lance un ultimatum aux députés. Il souhaite que les députés approuvent son plan de débloquer plus de 100 millions de dollars pour la militarisation de la sécurité d’Etat (police, armée etc.). Ces mesures violentes décrivent bien le paysage salvadorien depuis ces dernières décennies, une démocratie instable, des violences perpétuelles, et une insécurité grandissante pour le peuple du Salvador.
1 commentaire sur “Le veto du président salvadorien : les séquelles de la guerre”
Guy Marchal
(1 mai 2020 - 06:21)Y a-t-il un motif d’espoir ? On a vraiment l’impression d’un bateau ivre dans lequel les populations sont ballottés par des mouvements qui les dépassent…