L’invasion de criquets amplifiée par la crise sanitaire en Afrique de l’Est

Trop peu évoquée dans les actualités, c’est pourtant une des crises majeures de l’Afrique du 21ème siècle. L’invasion des criquets pèlerins a déjà entrainé de nombreuses pertes alimentaires (des centaines de milliers d’hectares), économiques (des millions de dollars) et humaines (des millions de personnes en situation de sous-nutrition). Comment ces criquets rognent-ils les récoltes au point de devoir créer un fonds d’urgence ? Comment la crise sanitaire actuelle ralentit les moyens de luttes contre ce ravageur ? Voici quelques éléments pour comprendre ce phénomène…

Le criquet pèlerin, un insecte impressionnant

Pour comprendre l’ampleur de ces invasions, il faut s’intéresser à la nature de ce criquet. Egalement appelé sauterelle tigre, cet insecte est divisé en différentes sous-espèces présentes partout le monde. Ce qui caractérise le criquet pèlerin, ce sont ses essaims à forte densité (pour 1 kilomètre carré d’essaim, on peut compter jusqu’à 80 millions d’individus). Il n’est pas venimeux et n’affecte pas les humains toutefois il mange énormément et particulièrement les cultures agricoles. Pour l’exemple de l’essaim, un insecte mangeant deux grammes par jour pour 80 millions d’individus, on arrive à une consommation quotidienne de 160 tonnes de plants céréaliers, de végétaux etc..  Ces apparitions massives d’essaims acridiennes (la famille des criquets pèlerins) sont dues à plusieurs facteurs, d’une part l’activité cyclonique anormalement élevée dans la région, et par conséquent la présence d’humidité. Ces conditions météorologiques proviendraient de l’Océan Indien où son dipôle a beaucoup évolué. Sous ces conditions, ils peuvent se reproduire jusqu’à 20 fois plus d’une génération à l’autre.

Les conséquences désastreuses de ce déferlement

Carte représentant la position des criquets et leur dangerosité. Source : ONU

Ces essaims alors constitués, ils migrent vers les pays frontaliers de la Somalie (le Kenya, l’Ethiopie, le Djibouti) jusqu’en Ouganda. Les ravageurs dévorent tout végétaux empêchant leur chemin, d’autant plus qu’à cette période, les agriculteurs viennent de planter leurs cultures. « Les criquets ont détruit nos fermes car ils venaient à la fois d’Ethiopie et de Somalie […] Notre situation alimentaire est maintenant tendue », tel est le ressenti d’un fermier kenyan. Nous avons évoqué précédemment la densité d’un essaim et sa taille, mais le plus gros observé mesurerait la superficie du Luxembourg, soit avec 200 milliards de criquets regroupés. D’après l’ONG Acted : « entre 35% et 60% des zones de productions agricoles ont été endommagées depuis le début de cette crise » dans la région de Gédo (Somalie). Afin de limiter les pertes agricoles et surtout la reproduction des criquets pèlerins, de nombreux moyens de lutte sont mis en place, mais la crise sanitaire actuelle empêche le ravitaillement à temps.


Des projets de lutte qui tombent à l’eau

Pesticide — Wikipédia
Utilisation de pesticides afin de protéger les productions agricoles. Photo : Environemental Protection Agency

Les méthodes de lutte sont différentes selon les pays, en vue de leur moyen. Dans un pays comme l’Ouganda, c’est l’armée qui est réquisitionnée afin de d’endiguer ce fléau. Juste à côté, en Ethiopie comme en Somalie, les pesticides sont utilisés abondamment afin d’empêcher les essaims de dévorer les cultures. Un fonds d’urgence a été ouvert par l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation afin de permettre le développement de plus de moyens, notamment dans les moyens de transport. Des dizaines de pays comme la France, la Chine et d’autres ont ainsi offert 117 millions à la lutte contre l’invasion (détail de l’utilisation de ces donations). Cependant la crise mondiale due au COVID 19 empêche le ravitaillement des pays en pesticides, en armes de dissuasion etc. Enfin, un fait qui assombrit encore plus ce phénomène, c’est la crise alimentaire. Les pays comme le Soudan du Sud, ou la Somalie sont aujourd’hui parmi les pays qui comptent le plus de personnes en situation de malnutrition. Si les quelques récoltes somaliennes n’arrivent pas à cause des criquets pèlerins, la crise pourrait être encore pire qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Conclusion :

Si ce phénomène est sous-évoqué à cause de l’importance du coronavirus, il ne faut pas oublier que la première peur pour les Africains, ce sont bien ces invasions de criquets pèlerins. Dévorant les cultures, entraînant des problèmes d’alimentation et se reproduisant à une vitesse considérable. Toutefois, l’ONU tente par tous les biais de venir en aide aux paysans, aux gouvernements locaux afin que cette crise fasse moins de dégâts qu’on ne le présage.

Auteur de l’article : Benjamin Jacquet

2 commentaires sur “L’invasion de criquets amplifiée par la crise sanitaire en Afrique de l’Est

    MARCHAL Jacques

    (23 mai 2020 - 11:01)

    C’est impressionnant !
    Bon article.

    Guy Marchal

    (28 mai 2020 - 19:15)

    J’en avais entendu parler en effet…. espérons qu’il n’y aura un « professeur Raoult » qui aura l’idée d’introduire un prédateur comme cela à été fait en Australie puis la mixomatose…. bref, la solution nest pas facile mais il faut faire attention à ne pas faire nimporte quoi. Mais il faut bien faire quelque chose!!
    Merci pour vos articles qui nous font malgré tout voyager!

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