Yémen : l’ombre de la famine plane à nouveau

Un enfant yéménite mange le contenu d’une poche de nourriture, en 2017 | USAID (CC BY-NC)

Crise économique, guerre, Covid-19, catastrophes naturelles… Après une amélioration de la situation alimentaire en 2019, le Yémen se trouve à nouveau au bord du gouffre. L’ONU, à travers son Programme Alimentaire Mondial, tire la sonnette d’alarme, mais manque cruellement de financements. Si rien n’est fait, la famine frappera le Yémen, déjà en grande difficulté, dans les prochains mois.

240 millions de dollars, c’est la somme qu’il manquait à l’ONU pour combattre l’insécurité alimentaire au Yémen, fin août. La situation est pourtant plus urgente qu’elle ne l’a jamais été. Dans le Sud et l’Ouest du pays, certaines zones sont en situation d’urgence absolue, au bord de la famine, tandis que la plupart du pays connaît une crise alimentaire. En 2019, la situation alimentaire semblait pourtant s’être améliorée, après la crise de 2018. Mais la crise sanitaire liée au Covid-19, l’effondrement de l’économie, et les catastrophes naturelles ont changé la donne.

L’économie yéménite est à l’agonie. En 2020, la monnaie locale a perdu 25 % de sa valeur et le prix des produits alimentaires s’est envolé. L’agriculture yéménite, dévastée par la guerre civile, aurait vu sa production chuter de plus de 50 % par rapport aux niveaux d’avant-guerre. La pandémie de Covid-19 réduit fortement le nombre d’emplois, l’acheminement de ressources, la somme d’argent envoyée au pays par la diaspora yéménite. Les réserves de devises étrangères du pays sont vides, impossible donc d’importer des denrées en quantités suffisantes. Le conflit, qui s’est intensifié depuis le début de la pandémie, aggrave chacun des facteurs de cette insécurité alimentaire. La plupart du pays se trouve donc en situation de détresse, incapable d’acheter de quoi se nourrir. Le pays, jusqu’ici, ne tenait qu’à un fil, grâce à une aide humanitaire qui tarde désormais à arriver : l’ONU n’a reçu en août que 73,3 millions de dollars, sur les 313 millions prévus, et annonce avoir besoin de 500 millions de dollars avant la fin de l’année.

La crise sanitaire mondiale, la guerre civile, et la crise économique ne sont pourtant pas les seules causes de cette insécurité, bien qu’ils soient les plus visibles. Les catastrophes naturelles viennent aussi frapper un pays déjà à genoux. Ce sont désormais des nuées de criquets qui menacent le pays et ses récoltes, alors que le Fonds Alimentaire Mondial considère que la situation pourrait s’aggraver durant les prochaines semaines. Le Yémen a également subi d’importantes inondations tout au long de l’année, détruisant villages, barrages, infrastructures et récoltes.

43 % de la population habitant dans les zones contrôlées par le gouvernement a une consommation alimentaire « Insuffisante »

ONU

Si aucun financement supplémentaire n’est trouvé, la situation deviendra désastreuse, préviennent les associations humanitaires. Pour l’ONU, le pays est « Au bord du gouffre » : le nombre de personnes ne bénéficiant que d’une consommation alimentaire « insuffisante » dans les zones contrôlées par le gouvernement est passé de 28 % à 43 % au cours des trois derniers mois. L’Integrated Food Security Phase Classification (IPC), elle, estime que 3,2 millions de Yéménites habitant dans le sud souffriront d’une insécurité alimentaire importante avant la fin de l’année, contre 2 millions entre février et avril. Une partie importante du Sud du pays se trouverait même en urgence absolue, dernière étape avant la famine, pour l’IPC.

Mark Lowcock, chef de l’humanitaire aux Nations Humanitaires, interpelle les pays habituellement donateurs. Pour ce dernier, « Retenir l’argent de la réponse humanitaire sera une condamnation à mort pour de nombreuses familles ». Il invite notamment l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Koweït à « Assumer leur responsabilité particulière » en contribuant au plan de l’ONU, comme ils l’avaient fait les années précédentes. Affaire à suivre…

Auteur de l’article : Léo Berry

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